La cession partielle du contrôle d'une société évoque deux séries de questions :
- quels sont les objectifs et conditions qui ont amené à cette solution : volonté du cédant ou du repreneur ? Présence de conventions annexes, notamment sur la collaboration du cédant ? Existence d'un pacte de sortie définitive, etc… ?
- quels sont les risques pour chacune des parties et comment les réduire ?
Objectifs et causes
La cession partielle peut être demandée par le cédant
- Quand la valorisation proposée lui semble insuffisante mais que, contraint par des délais ou difficultés, il accepte de céder la majorité avec l'espoir de valoriser le solde ultérieurement à un meilleur niveau. Cette situation concerne généralement des entreprises en retournement positif, récent ou en cours, la part conservée par le cédant remplaçant en fait un "earn out".
- Quand il souhaite pour des raisons personnelles (pbs de santé par ex.) assurer une transmission rapide tout en prolongeant sa collaboration, sans responsabilités juridiques, financières ou stratégiques, mais en exerçant un droit de regard et en bénéficiant des éventuels résultats et d'une couverture sociale (salaires, augmentation des droits à la retraite).
Elle est au contraire généralement demandée par le repreneur :
- Quand ce dernier souhaite consolider la phase de transmission du dirigeant (savoir-faire, relationnel) en maintenant une certaine solidarité. L'association est supposée représenter un engagement (financier, moral et juridique) plus ferme qu'une simple garantie de bilan.
- Quand il y a désaccord sur le prix, et que le cédant ne se contente pas d'une clause de complément de prix (earn out) et des garanties externes qui y sont (éventuellement et hypothétiquement) liées. Le fait de conserver des droits sur son ancienne société peut alors apparaître comme une garantie suffisante.
Conséquences et risques pour les deux parties
Quel qu'en soit l'initiateur, les accords sont nettement plus complexes à négocier, rédiger et garantir lors d'une cession partielle que lors d'une cession totale immédiate.
En effet, du point de vue du repreneur, des contraintes fiscales ou financières peuvent apparaître s'il ne maîtrise pas la totalité du capital :
obligation de partage des résultats : handicap pour le financement de la holding, surtout en période de retournement positif.
seuil de détention minimum pour bénéficier de l'intégration fiscale (même si cet objectif est moins systématique qu'auparavant)
difficulté à fournir certaines garanties aux financeurs (nantissements de titres), le cédant refusant généralement et à juste titre d'être solidaire.
Ces contraintes techniques font souvent préférer la participation du cédant à la holding de reprise plutôt qu'à la société rachetée. Cela est plus facile à gérer sur le plan juridique et financier, bien que parfois délicat à admettre par les deux parties (et éventuellement gênant pour le recours aux investisseurs financiers traditionnels, l'ancien dirigeant n'ayant pas les mêmes objectifs et calendriers).
Du point de vue du cédant, l'abandon du contrôle risque de conduire à la perte de valeur de sa participation, sans qu'il puisse réellement intervenir.
Se pose aussi le problème de sa sortie définitive et de son paiement : à quelle échéance? selon quels critères ? quelles formules et indices d'actualisation ? avec quelle garanties ?
Le prix des actions ne peut en effet être déterminé forfaitairement par avance (sauf à s'exposer à la nullité de la convention si l'une des parties conteste son application).
Les modalités de fonctionnement de l'association (les statuts étant généralement insuffisants ou inadaptés) seront à détailler dans un pacte, dont la négociation est souvent plus délicate que celle de la cession elle-même, puisqu'il fait référence à l'avenir et donc à l'inconnu.
Le facteur déterminant est le taux de participation minoritaire du cédant :
une participation significative (c.a.d. supérieure à la minorité de blocage - pour mémoire 25 ou 33 % selon les formes de sociétés), suppose des compromis et précautions, et la capacité de rachat de la part minoritaire par le repreneur se trouve diminuée et différée.
en cas de faible participation (inférieure à 20 %), l'implication du cédant dans la gestion est admise comme symbolique par les deux parties, et les contreparties financières (dividendes, financement du rachat ultérieur) sont plus faciles à trouver, et dans un délai plus court.
Le niveau de participation du cédant devra être déterminé après une simulation précise des capacités d'autofinancement dégagées par le business-plan du repreneur.
En résumé, la cession partielle, quelle que soit la partie qui en prend l'initiative, peut être une alternative pour éviter le blocage des négociations, en confiant au temps le soin de réduire les écarts.
Elle ne doit cependant pas être considérée comme une solution progressive simple et naturelle : l'association recèle en effet plus de dangers que d'avantages, sauf cas exceptionnel (par ex. avec un repreneur salarié, dans un climat de confiance et de connaissance mutuelle, et avec un délai de réalisation globale supérieur à 5 ans).
Sur le plan du financement, par exemple, il est en effet souvent plus facile pour le repreneur de financer l'acquisition intégrale par des emprunts bancaires à long terme, que de générer les ressources nécessaires au rachat des parts minoritaires dans le délai souhaité par le cédant (généralement 2 à 3 ans maximum).
Elle suppose des accords juridiques parfaitement formalisés (protocole, garanties de bilan, pacte d'associés et de gestion, contrats de travail ou de collaboration, clauses de non-concurrence), ce qui est trop rarement appliqué : en effet, elle résulte souvent d'un climat de confiance ponctuel ou de contraintes perçues comme insolubles à court terme, dont on ne fait que reporter les conséquences.
L'expérience montre malheureusement que le temps n'arrange pas tout, et qu'il est souvent plus efficace de négocier globalement que par tranches, même si cela impose des efforts au départ.
A noter que la participation dans la holding de reprise, évoquée plus haut, présente moins de risques pour les deux parties et notamment pour le cédant : les intérêts des deux parties y sont plus homogènes (nécessité de prélever des dividendes pour rembourser la dette d'acquisition, accord plus facile à trouver sur la valeur de sortie des associés, etc…).
On soulignera aussi que le maintien d'un lien financier entre le cédant et son entreprise peut se justifier dans certains cas, en complément ou en contrepartie des conventions de garantie de bilan : les parts conservées peuvent servir de garantie, face à un passif latent et identifié, en lieu et place d'une caution bancaire que le cédant refuserait d'accorder ou qu'il ne pourrait obtenir.
En maintenant son statut d'associé, elles peuvent aussi, même en proportion limitée, fournir au cédant un d'accès à des données (comptables ou autres) nécessaires au suivi de dossiers délicats (contentieux) ou à l'exécution d'engagements du protocole (assistance à la bonne fin de marchés ou de projets en cours lors de la cession).